Exposition Elle était neuve depuis bien longtemps, une proposition de Jeanne de La Masselière. Le 5 avril 2025.
Les vieux draps que Valentine Prissette teint aux couleurs pastel, les natures mortes suspendues de Victor Pueyo et les tableaux rouis de Maxime Testu attendent sagement, comme si chacun d’eux avait été oublié, laissé là, juste le temps de.
Ensemble, ils dessinent une maison où le crépis craquèle, où les bibelots sont discrètement éparpillés dans tous les recoins, où la chaleur de l’été a une odeur poivrée. Cette maison raccommodée pourrait être celle que Marcel Pagnol décrit dans ses Souvenirs d’enfance, « La maison s’appelait la Bastide-Neuve, mais elle était neuve depuis bien longtemps. C’était une ancienne ferme en ruine, restaurée trente ans plus tôt par un monsieur de la ville qui vendait des toiles de tente, des serpillères et des balais. » (Marcel Pagnol, La Gloire de mon père, De Fallois Fortunio, 2004 (paru en 1957), p. 99).
A la manière de bribes de ces souvenirs d’été qui reviennent petit à petit à la mémoire, les pigments dilués de Maxime Testu laissent les couches picturales s’effacer pour se superposer, donnant à la matière le soin de révéler peu à peu une maison ou un champ. La fluidité de la peinture contraint les formes à s’aplanir, laissant les teintes brunies et roussies de la toile évoquer des paysages fanés et lointains, comme si l’indication cachée dans le panneau de Valentine Prissette avait joué à leur donner une didascalie.
Devant, un ancien drap est tendu. Il a été teinté, presque assez, ou bien il y a longtemps déjà. Valentine Prissette accommode ces tissus sur des supports de bois, elle met en page les détails discrets des chiffres de trousseaux de famille, dont les lignes ajourées évoquent bientôt des fenêtres. Elle emprunte aux objets leurs motifs, les isole, les teint, les moule et les raccommode. Leurs premières vies ne sont que suggérées et on garde impatiemment sur le bout de la langue ce qu’elles avaient bien pu être.
Si les draps pâlis par le soleil de Valentine Prissette sont tendus sur leurs châssis, les huiles de Victor Pueyo sur papier de cigarette sont, elles, étendues comme un linge qui sècherait sur le fil du jardin au figuier des souvenirs de Pagnol. L’équilibre est fragile. Pour aider la table qu’a dessinée le papier en se repliant à ne pas vaciller, les pommes et les carafes partagent certains de leurs contours. A l’horizon, tout attend patiemment. On entendrait presque les bibelots tinter.
Sur une passerelle neuve depuis bien longtemps, on a juste le temps de s’arrêter. « Alors commencèrent les plus beaux jours de ma vie. La maison s’appelait la Bastide-Neuve, mais elle était neuve depuis bien longtemps. ».
-Jeanne de La Masselière
Avec Valentine Prissette, Victor Pueyo, Maxime Testu
Commissaire : Jeanne de La Masselière
Le samedi 5 avril 2025