Beatus, une proposition de Lisa Boostani. Du 28 avril au 30 mai 2021.
Beatus est un projet de film et d’exposition réalisé par Lisa Boostani. Métaphore d’un autre monde, le dispositif scénographique reconstitue les espaces de vie d’une société fictive à travers un ensemble de quatre salles : la Chambre, le Dîner, le Circuit et Méditation. Le public est invité à prendre part à cette expérience immersive où installations, œuvres et objets du quotidien sont disposés comme les indices d’un scénario à reconstituer, rêve d’un échappatoire possible.
Performance en collaboration avec Cassandre Muñoz (chorégraphe et performeuse).
Live de Cosmic Neman (Zombie Zombie) accompagné de Nini Li-yun HU (flûtiste).
Vendredi 28 mai à 17h30, 18H45 et 20H
Le dîner
« Dans une opulence organique, une salle à manger est abandonnée à elle-même. Il ne subsiste que les restes futiles d’un festin. Une table aux pieds rampants (1). Des séchoirs-totems aux fruits frémissants (2). Des sables mouvants. Sur la table, le service en céramique (3) compose une histoire floue, aux scènes troublantes, aux portraits tremblants. De ce banquet de débauche, il ne reste que des fruits en fermentation, des plantes en décomposition: bagatelles d’un monde en perdition. Restes de rituel. Les invités sont partis dans la précipitation, ils n’ont même pas terminé leur repas. Les couverts protéiformes (4) demeurent oisifs. Les invités sont-ils réellement partis ? On dirait qu’ils se sont évanouis avant de se transformer en chaises. Habitées. Habituées. Habillées. La nourriture qui n’a pas été consommée est piégée dans des séchoirs-totems aux formes débordantes. Flore accrochée, pétrifiée. Prisonnière d’une matière qui tente désespérément de conserver les vestiges d’un monde qui n’existe plus.
Le Circuit
Un bleu irradiant tout l’environnement. Dehors le monde est figé dans une brume pastel. Perturbé par le brouillard, hagard, le regard ne s’adapte plus en un clin d’œil. Une fontaine (5), des rations, des contenants. Il y a quelque chose de rassurant dans le cliquetis de la source mécanique. Est-ce une fontaine de jouvence ou d’eau de vie? Elle est magique. Purifiante. Peut-être qu’il s’agit d’une fontaine pour faire des souhaits? A quoi peut-on bien rêver quand on est soumis à survivre? Rêves gazeux. Volonté vaporeuse. Espoirs liquides. Élévation de bouteilles (6), de céramiques (7), de lumière. Des glaciers fondent quelque part entre la réserve stratégique et des fondations aquatiques. Les réceptacles zèbrent les murs de leurs réflexions solaires. Prismes pleins. Totems transparents. Reflets d’un espoir.
Méditation
Si le monde a connu sa fin, la collapse aura épargné cet endroit. S’est-il déjà produit? Un oasis de quiétude. Une tranquillité froide. Une ritournelle éthérée. Les vibrations de basses enveloppantes éveillent les esprits. Une bascule à l’assise molle (8), aussi sinueuse qu’enfantine fait face au dialogue entre l’air, la lumière et la roche. Un souffle emprisonné dans une bulle limitée par de la corde (9). Que peut-il donc murmurer? Est-ce que quelqu’un l’écoutera un jour? La roche extra-terrestre restera, sans doute, silencieuse. Elle se suffit à elle-même, paralysée par une illumination permanente. Dans l’immensité du mur qui lui fait face, vagabonde une couronne de fleurs (10), comme une ode à un monde extérieur qui n’a pas le droit de pénétrer cette salle condamnée à la pureté.
La Chambre
Et si tout cela n’avait jamais existé? Dans cet abri Hymne à l’enfance. Echo d’innocence. Chants naïfs. Le corps se joue de l’esprit dans une apparente simplicité, ou l’on peut se cacher pour mieux se retrouver. Une fausse candeur, tranquillisante, apaisante, anesthésiante. Ou se cachent les enfants une fois devenus adultes? Dans un abri fait de bric ou de broc (11)? Dans le fond de canettes d’eau gazeuse? Dans les gribouillis automatiques d’un inconscient révélé? Heureux hasard ou apparente réalité, nul ne sait si il passe ses nuits à rêver ou à cauchemarder. Des restes sibyllins d’un corps absent, entre ses mains décomposées, sa tête abandonnée (12) et ses chaussures bariolées (13). Il se protège de son propre inconscient en gribouillant instinctivement sur des feuilles disparates. Hydre pourpre et immortelle. Répétitions de sens sur un miroir (14) qu’on ne peut plus voir. Subterfuges de cadres, vases à fleurs mortes, dont ne déborde que les restes improbables d’une jeunesse perdue, volée, sacrifiée. »
– Texte d’Andy Rankin
(1) Valentin Viebinet & Romy Texier ; (2) Jesse Wallace ; (3) Cyril Debon ; (4) Romy Texier ; (5) Benoit Ménard ; (6) Max Fouchy ; (7) Pierre ; (8) OrtaMiklos ; (9) Clara Rivault ; (10) Michel Jocaille ; (11) Jan Melka ; (12) Chevaline Corporation ; (13) Diane Gaignoux ; (14) Jack Rothert Garcia